Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Séjour / Stage à Cape Town
25 mai 2014

Ca fait longtemps que je n’ai pas écris ici...

Ca fait longtemps que je n’ai pas écris ici... Phase un peu compliquée des deux semaines précédentes… Je n’avais plus l’inspiration et les mots pour comprendre et m’exprimer. Plein de remises en question, de questionnements divers et variés… Après la phase découverte, il y a eu la phase « je prend mes repères », et puis la phase « remise en question ». Qu'est ce que je fais là ? Quel sens ? Quelle légitimité ? Toujours et encore cette question de légitimité qui revient...

 

Les mauvaises nouvelles françaises (article ci-dessous) ont accentué une sorte de sentiment de “mal du pays”, avec la désagréable impression que ce n’est pas ma place ici, que ces luttes ne sont pas les miennes… Et pourtant, les luttes d’ici sont des luttes internationales, celles des précaires, des travailleur-euse-s , des chômeur-euse-s, des mal-logé-e-s, etc. Et malgré et avec les différences culturelles, je retrouve des modes d’action, de résistance commun-e-s. Bien sur, c’est à replacer dans un contexte historico-politico-socio-économique singulier, mais dans notre monde globalisé et capitaliste, les problématiques sont vites les même !

 

Du coup, j’ai fais ma tortue pendant un temps, me réfugiant dans “ma grande maison”, mes randos et mes lectures pour essayer de comprendre, toujours plus, ce contexte. Éviter de faire face également a une réalité quotidienne que je trouvais trop violente.

 

 

SDC16327 SDC16344 SDC16356SDC16358

 

 

Ce que j'ai découvert au fur et à mesure et qui a créé mon malaise, c'est qu'il y a deux Cape Town : le premier ultra blanc et touristique, tellement vanté par les étranger-e-s croisé-e-s ici. J'ignorais avant d'arriver que Cape Town était la ville la plus touristique d'Afrique du Sud, et une des villes les plus touristiques d'Afrique... Et le Cape Town des townships, des mendiants à tous les coins de rue, des jobs informels. Des mini stands partout, sur les trottoirs, qui vendent des clopes, des fruits et légumes et autres accessoires en tout genre. Au grand plaisir des touristes... Ca me fait gerber un peu tout ca ! Y'a même des gars, qui gardent les voitures en ville. Parfois, quand tu cherches à te garer, ils essaient de t'accompagner pendant le créneau. C'est plutôt rare. Par contre, quand tu retournes à ta voiture, tu sais pas trop d'où ils sortent, mais y'en a toujours un ou deux qui arrivent en courant, pour te guider et venir te réclamer une pièce pour “avoir gardé ta voiture”. Drôle de concept, mais sorte de coutume locale, et tout le monde donne, au moins deux, trois rands. (15 rand = 1 euro, j'vous laisse faire le calcul...)

 

---

 

Bref, je suis finalement sortie de mon trou. J’ai compris que je n’étais pas coupable d’être blanche et Occidentale, que conscientiser mes privilèges était une chose - fondamentale d’ailleurs il me semble - mais que je ne pouvais et ne devais m’empêcher de vivre. A vouloir fuir les blanc-he-s a tout prix, d'une part je niais finalement une réalité, celle d’un pays multiracial : les afrikaans, les xhosas ou les zoulous sont tou-te-s Sud-Africain-e-s. Avec des différences certes très fortes, de classes sociales notamment, de culture aussi. D'autre part, je niais aussi ce que j'étais... C’est tellement con à dire, mais je ne suis pas noire et ne serai jamais considérée comme telle. Depuis que j'ai compris ça, ça le fait. Je continue à parler avec tout le monde, j'ai retrouvé une forme de légèreté quotidienne, tout en ayant une certaine conscience de l'environnement dans lequel j'évolue. Pareil pour l'“insécurité”, j'ai trouvé mon équilibre je crois. Il y a des choses que je ne fais pas, et des endroits où j'évite d'aller seule, mais j'ai retrouvé une certaine liberté, surtout depuis que j'ai récupéré un vélo.

 

-

 

Ça fait exactement sept semaines que je suis là. J’en suis presque à la moitié de mon séjour ici ! C'est vraiment court trois mois et demi pour s'imprégner d'un nouvel environnement. A peine je commence à m'y faire, et je vais devoir partir.... En attendant, je profite : je m’émerveille de la beauté de la nature et de certains concepts culturels, comme l'Ubuntu (j'en parlerai plus tard), je m'imprègne de l'histoire et du présent des luttes locales, j'ai recommencé à courir un peu partout, pour telle ou telle discussion, conférence, manif sur des sujets variés. Bref, je me remplis de tout ce que je découvre et vis ici. Pas toujours simple mais d'une richesse et d'une intensité forte ! Je continue à me prendre des claques régulièrement, ce sont des bonnes leçons d'humilité aussi...

 

Par exemple, la semaine dernière, on a organisé l'atelier mensuel “Politique et féminisme d'aujourd'hui”. Problèmes logistiques, j'ai cherché un rétro projecteur partout pendant une demi-heure, allant frapper à toutes les portes des associations autour. Finalement, j'en ai récupéré un, au grand étonnement d'une de mes collègues qui est à l'accueil. En plaisantant, je lui ai dit que c'était le pouvoir du sourire. Elle m'a répondu que c'était surtout le pouvoir de ma couleur de peau. Et bim !

 

J'ai co-animé un atelier sur les problématiques de genre il y a 15 jours. J'étais vraiment pas à l'aise. Pourtant c'était de l'éducation populaire, et j'ai proposé un débat mouvant. Mais reste que je suis plutôt directive / autoritaire au naturel, bien qu'aussi sensible aux rapports de domination... Toujours est-il que j'avais peur d'être trop. Trop directive, trop Occidentale.... Pas facile de doser, d'être à la bonne place, si tant est qu'elle existe…

 

---

 

J'ai re-déménagé la semaine dernière, dans la même rue où j'étais ces 15 derniers jours, seule dans “ma grande maison”. J'adore ce quartier, Observatory, quartier étudiant, artistique, hippie et anarchiste. Cette fois-ci, il semblerait que je risque bien de rester jusqu'à la fin. J'habite chez et avec Zarina, une jeune grand-mère militante qui vient de perdre son boulot, et avait besoin de sous-louer une de ses chambres, pour s'en sortir financièrement. Elle a préféré se faire licencier plutôt qu'accepter une baisse de son salaire, par dignité comme elle dit, et respect d'elle-même.

 

Pas de retour à l'auberge donc, mais j'ai une chambre à moi, pour le même prix et sans travailler. Et après ces 15 jours d'intimité, j'en ai définitivement besoin. Une nouvelle aventure qui commence pour elle, qui n'a jamais vécu avec quelqu'un-e qu'elle ne connaît pas, et pour moi. Elle se bat depuis des années pour l'histoire du district 6. Rapidement pour expliquer, c'était un quartier en pleine ville, où les « coloured people » ont été « parqué-e-s » pendant l'apartheid. Et puis un jour, illes ont été expulsé-e-s, et envoyé-e-s à des kilomètres pour vivre dans des townships insalubres. Le district 6 a été complètement rasé, soi-disant pour des projets de construction. (Ca me rappelle tristement d'autres histoires françaises...) Depuis la fin de l'apartheid, soit depuis 10 ans, un-e groupe de militant-e-s de cette communauté se bat pour revenir dans ce quartier qui n'est plus qu'un terrain vague. Illes ont obtenu la reconstruction du quartier, étape par étape et illes continuent les négociations avec le gouvernement, à raison de réunions hebdomadaires pour faire avancer les choses... Elle m'impressionne cette femme-là, Zarina. Elle a une force, une poigne incroyable. Comme elle dit, elle est une survivante, et elle ne compte pas mourir avant d'avoir célébré au moins un Noël (alors qu'elle est musulmane, héhé) avec tous les enfants de la communauté, dans son salon de sa nouvelle maison du district 6. (Pour l'anecdote, Noël a bien lieu le 25 décembre ici, soit en plein milieu de l'été et le père Noël a la même tenue, malgré les 37 degrés ! ;) )

 

J'ai plus internet « à la maison », mais c'est pas plus mal, ca m'évite d'y traîner pendant des heures, et je vais m'poser à Bolo bolo quand j'en ai besoin, un p'tit café vegan- anarchiste, bien sympathique, avec des allures de Samovar (un chouette lieu Bordelais).

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Séjour / Stage à Cape Town
  • Encore un blog pour relater, partager cette nouvelle aventure, celle d'un séjour de trois mois et demi en Afrique du Sud, et plus précisément, celle d'un stage à ILRIG - Information Labour Research and Information Group – à Cape Town....
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité